11/05/2011
Le poème de la semaine
La mort n’est rien,
je suis simplement passé dans la pièce à côté.
Je suis moi, vous êtes vous.
Ce que nous étions les uns pour les autres,
nous le sommes toujours.
Donnez-moi le nom que vous m’avez toujours donné,
parlez-moi comme vous l’avez toujours fait,
n’employez pas un ton solennel ou triste,
continuez à rire de ce qui nous faisait rire ensemble,
priez, souriez, pensez à moi,
que mon nom soit prononcé comme il l’a toujours été,
sans emphase d’aucune sorte, sans trace d’ombre.
La vie signifie tout ce qu’elle a toujours signifié,
elle est ce qu’elle a toujours été.
Le fil n’est pas coupé,
simplement parce que je suis hors de votre vue.
Je vous attends.
Je ne suis pas loin.
Juste de l’autre côté du chemin.
Vous voyez : tout est bien.
00:04 Écrit par Claude Amstutz dans Quelques traces de craie dans le ciel - Anth | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; poésie | | Imprimer | Facebook |
04/05/2011
Le poème de la semaine
Paul Eluard
Au nom du front parfait profondAu nom des yeux que je regardeEt de la bouche que j'embrassePour aujourd'hui et pour toujours Au nom de l'espoir enterréAu nom des larmes dans le noirAu nom des plaintes qui font rireAu nom des rires qui font peur Au nom des rires dans la rueDe la douceur qui lie nos mainsAu nom des fruits couvrant les fleursSur une terre belle et bonne Au nom des hommes en prisonAu nom des femmes déportéesAu nom de tous nos camaradesMartyrisés et massacrésPour n'avoir pas accepté l'ombre Il nous faut drainer la colèreEt faire se lever le ferPour préserver l'image hauteDes innocents partout traquésEt qui partout vont triompherQuelques traces de craie dans le ciel,Anthologie poétique francophone du XXe siècle
05:05 Écrit par Claude Amstutz dans Paul Eluard, Quelques traces de craie dans le ciel - Anth | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; poésie | | Imprimer | Facebook |
27/04/2011
Le poème de la semaine
Jean-Pierre Siméon
Rien n'est plus beau
qu'un amour qui ne se croit pas immortel
qui a la souple respiration du voilier
endormant la vague
prodige oui mais qui se sait tributaire
d'un vent si incertain
qu'il voudrait d'un seul déploiement de son erre
boire toute une nuit d'étoiles et de lune pleine
un amour comme une joie d'enfance
grandie de sa fin trop proche
et qui se tient timide
au faîte de l'instant
nid d'hirondelle
dans le noir
ah ce n'est pas cela un amour de légende
qui se targue des mélancolies
et geint à genoux sous la couronne des roses
toi mon aimée
demeure princière en ton rire
chaque matin devant ta mort et ma mort
sois libre et fière et ferme
car il suffit de la caresse d'un rire
pour que tout en nous se recompose
et que soit le monde uniment
sous nos mains le passage et la durée
la nudité d'une âme dans la douceur du corps
nous mourrons mon amour sans rien perdre
si nous séjournons visages étonnés
dans l'instant qui nous prolonge
et fait de nos gestes les plus simples
- baiser murmure épaule lente -
un feu dormant
demeurons mon aimée
fût-ce au coeur d'un sanglot silencieux
une joie ouverte
sommet de l'éclair
rire et bonté persistants
dans la disparition
Quelques traces de craie dans le ciel,
Anthologie poétique francophone du XXe siècle
00:09 Écrit par Claude Amstutz dans Quelques traces de craie dans le ciel - Anth | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; poésie | | Imprimer | Facebook |
13/04/2011
Le poème de la semaine
Jocelyne François
Trente ans déjà
que tu m'as nommée de mon nom public
que tu as écrit
sur le papier toujours prêt
cette ouverture
alors que l'air vibrait
dans la douceur palpable et transparente
Aujourd'hui
je mesure quelle jeunesse nous habitait
celle de l'élan pur
que ne comblera pas l'apparence
Tous les mots
furent dits qui devaient être dits
tous les gestes
furent faits qui devaient être faits
Ce qui fut écrit demeure
Eté de la Saint-Martin sur Paris
Le soleil glisse derrière la coupole
L'air vibre
dans la douceur palpable et transparente
Ici ne se récoltent
ni figues ni amandes ni raisins
Ici les pensées se chevauchent
s'accompagnent patientent
Aujourd'hui
dans le cimetière de l'Ile-sur-Sorgue
les lézards paressent sur ta tombe
C'est l'heure des crocus jaunes
Ce qui fut demeure
Moi vivante
personne ne dilacérera ce trésor
Quelques traces de craie dans le ciel,
Anthologie poétique francophone du XXe siècle
07:03 Écrit par Claude Amstutz dans Jocelyne François, Quelques traces de craie dans le ciel - Anth | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : littérature; poésie | | Imprimer | Facebook |
30/03/2011
Le poème de la semaine
Claire Genoux
Le lac peut bien lécher mes sandales
comme un chien trop fidèle
je n'ai qu'une envie
celle de plâtrer ses rives
et de sangler sa peau battante
au brouillard hivernal
car je ne veux plus de saisons
qu'il s'obstine à dresser sur nos toits
d'un coup de plume
je ferai souffler la bise
pour assécher son eau
Quelques traces de craie dans le ciel,
Anthologie poétique francophone du XXe siècle
05:58 Écrit par Claude Amstutz dans Quelques traces de craie dans le ciel - Anth | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; poésie | | Imprimer | Facebook |
23/03/2011
Le poème de la semaine
Norge
Rien qu'un petit bonheur, Suzette,
Un petit bonheur qui se tait.
Le bleu du ciel est de la fête;
Rien qu'un petit bonheur secret.
Il monte! C'est une alouette
Et puis voilà qu'il disparaît;
Le bleu du ciel est de la fête.
Il chante, il monte, il disparaît.
Mais si tu l'écoutes, Suzette,
Si dans tes paumes tu le prends
Comme un oiseau tombé des crêtes,
Petit bonheur deviendra grand.
Quelques traces de craie dans le ciel,
Anthologie poétique francophone du XXe siècle
09:59 Écrit par Claude Amstutz dans Quelques traces de craie dans le ciel - Anth | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : littérature; poésie | | Imprimer | Facebook |
16/03/2011
Le poème de la semaine
Jean-Michel Maulpoix
La neige dit adieu.
Elle prend avec délicatesse le temps de disparaître.
Elle n'insiste pas, ne persiste guère,
ne prend pas racine.
Elle tombe.
Elle s'abandonne.
Elle éprouve à se perdre un vertige,
un plaisir immense.
Toute sa vie
- comprenez-le bien -
ne fut que cela:
se jeter par la fenêtre.
A moins que ce ne fût prendre le temps
de descendre un invisible escalier.
Son corps est si léger
qu'il ralentit sa chute au lieu de l'accélérer.
Personne ne saurait comme elle
se jeter dans le vide.
Personne ne peut mourir avec autant de joie.
Autant de gaieté.
Incomparable est sa qualité d'espérance.
Son dédain de l'éternité.
Il fallait qu'elle aimât passionnément la terre
pour y descendre ainsi,
avec mille précautions,
au lieu de demeurer au ciel.
Brûlant de se donner aux branches nues et aux cailloux,
d'encapuchonner les toits et les cheminées.
La neige meurt du bonheur
d'être allée dans le bleu
comme aucun oiseau et aucun insecte.
Aucun dieu sans doute, aucun ange.
Elle tombe, puis elle se couche.
Il lui plaît de mourir très vite après avoir dansé.
De s'être tenue si près de l'Azur,
elle ne se remet pas.
Quelques traces de craie dans le ciel,
Anthologie poétique francophone du XXe siècle
06:29 Écrit par Claude Amstutz dans Jean-Michel Maulpoix, Quelques traces de craie dans le ciel - Anth | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; poésie | | Imprimer | Facebook |
09/03/2011
Le poème de la semaine
Paul Eluard
Dans mon chagrin rien n'est en mouvement
J'attends personne ne viendra
Ni de jour ni de nuit
Ni jamais plus de ce qui fut moi-même
Mes yeux se sont séparés de tes yeux
Ils perdent leur confiance ils perdent leur lumière
Ma bouche s'est séparée de ta bouche
Ma bouche s'est séparée du plaisir
Et du sens de l'amour et du sens de la vie
Mes mains se sont séparées de tes mains
Mes mains laissent tout échapper
Mes pieds se sont séparés de tes pieds
Ils n'avanceront plus il n'y a plus de routes
Ils ne connaîtront plus mon poids ni le repos
Il m'est donné de voir ma vie finir
Avec la tienne
Ma vie en ton pouvoir
Que j'ai crue infinie
Et l'avenir mon seul espoir c'est mon tombeau
Pareil au tien cerné d'un monde indifférent
J'étais si près de toi que j'ai froid près des autres.
Quelques traces de craie dans le ciel,
Anthologie poétique francophone du XXe siècle
00:12 Écrit par Claude Amstutz dans Paul Eluard, Quelques traces de craie dans le ciel - Anth | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; poésie | | Imprimer | Facebook |
02/03/2011
Le poème de la semaine
Abdellatif Laâbi
Ce ne pourra pas être un pays
avec des drapeaux hissés
au-dessus des maisons
Une langue unique pour prier
Un nom que les tribuns prononcent
la bouche pleine de majuscules
en fermant les yeux de béatitude
Ce ne pourra pas être un pays
qu'il faille quitter ou retrouver
avec les mêmes déchirements
l'obscure litanie du deuil
et ce sanglot des racines
hélant d'improbables rivages
Ce ne pourra pas être un pays
qu'on doive apprendre à l'école
à la caserne
en prison
avec la hantise
de se tromper de pays
Ce ne pourra pas être un pays
juste pour le ventre
ou la tombe
et rien d'autre
hormis le fardeau des peines
qu'on n'ose plus confier
même à l'ami
Ce ne pourra pas être un pays
qui ne sait plus rire
vivre à en être meurtri
peupler la nuit de ses excès
jusqu'à déchirer d'amour
les draps de l'aube
Ce ne pourra pas être un pays
parmi la cohorte des pays
cynique
avare
dur d'oreille
engraissant les voyous
leur offrant le glaive et la balance
alignant les suaires
et payant jusqu'aux pleureuses
pour les doux
Ce ne pourra pas être un pays
qui dans le coeur
chasse un autre pays
pour ériger des murailles
entre le désir et le désir
et vouer au blasphème
l'humble joie de l'errant
Ce ne pourra pas être un pays
qui ferme sa porte à l'hôte
l'étranger
époux de l'étoile
émissaire de nos antiques amours
survivant de la marche
celle des origines
quand la vie nous visitait encore
et que nos pas s'aventuraient
de sillon en sillon
dans ce continent englouti
disparu
avant de nous livrer la clé du rêve
et qu'il a fait glisser dans nos songes
Ah c'est un pays encore à naître
dans la soif et le dénuement
La brûlure qui rend l'âme à l'âme
et de la mer morte
des larmes
soulève la houle des mots
C'est un pays encore à naître
sur une terre coulant de source
éprise d'infini
drapée du bleu de l'enfance
aussi fraîche que la cascade
du premier soleil
C'est un pays encore à naître
dans la lenteur du lointain
et du proche
Dans la langueur de l'espérance
mille fois trahie
Dans la langue éperdue
et retrouvée
C'est un pays encore à naître
sur le chemin
qui ne fait que reprendre
et ne conduit à nul pays
O pays qui m'écarte
et m'éloigne
Laisse-moi au moins te chercher
Quelques traces de craie dans le ciel,
Anthologie poétique francophone du XXe siècle
00:09 Écrit par Claude Amstutz dans Abdellatif Laâbi, Quelques traces de craie dans le ciel - Anth | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : littérature; poésie | | Imprimer | Facebook |
23/02/2011
Le poème de la semaine
Thierry Renard
Va ma chanson comme un jasmin lunaire
va sur l’hiver odeur captive va
le temps de la transparence d’un secret
quand la mort sera rose de l’air
mon petit cœur se tournera vers toi
Va ma chanson comme un navire
va sur la toile de mon rêve
quand la mort sera rose de l’air
mon cœur deviendra gros
en se tournant vers toi
Et ce sera la fin de l’été
Quelques traces de craie dans le ciel,
Anthologie poétique francophone du XXe siècle
09:14 Écrit par Claude Amstutz dans Quelques traces de craie dans le ciel - Anth | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; poésie | | Imprimer | Facebook |